Les victimes de violences conjugales ont augmenté en France en 2023, malgré une sensibilisation plus forte de la société. 85% des victimes sont des femmes et les violences physiques sont les violences conjugales les plus enregistrées. Des taux plus importants dans les Outre-mer, d’après l’analyse d’Interstat, le service statistique ministériel de la sécurité intérieure.
En 2023, 271.000 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire ont été enregistrées par les services de sécurité en France, c’est 10% de plus qu’en 2022. Une hausse certes plus modérée qu’en 2022 (+15%) et deux fois moins importante qu’en 2021 (20%), année qui faisait suite aux périodes de confinements durant la crise sanitaire. “Parmi les violences conjugales enregistrées par les services de sécurité, les violences physiques, qui sont les plus nombreuses, sont celles qui, globalement, augmentent le moins fortement en 2020 (+8%) ; les violences sans ITT progressent cependant davantage (+13%), comme l’an passé. Les violences sexuelles affichent une hausse plus importante (+14%), de même que lesque les violences verbales ou psychologiques (+13%). Cependant, cette évolution annuelle globale regroupe des situations assez différentes : le nombre de victimes de menaces n’augmente que de 8%, nettement moins vite que celui des victimes relevant de catégories d’infractions enrichies par la loi du 20 juillet 2020, à l’image des victimes de harcèlement moral ou d’appels téléphoniques malveillants (+17%) et des victimes d’atteintes à la vie privée (+26%)”, indique l’étude sur les violences conjugales enregistrées par les services de sécurité en 2023, publiée par Interstat, le service statistique ministériel de la sécurité intérieure ce mois-ci.
85% des victimes de violences conjugales sont des femmes, une part qui varie en fonction du type de violencs (elles représentent 97% des victimes de violences sexuelles, 86% des violences psychologiques et 84% des violences physiques). “La part de femmes enregistrées varie aussi en fonction de l’âge : si elle est stable pour les violences sexuelles, elle décroît avec l’âge lorsqu’il s’agit de violences physiques ou de violences verbales et psychologiques. La plupart des victimes ont entre 20 et 45 ans (74%), la tranche d’âge la plus concernée étant celle des 30-34 ans qui concentre 17% des victimes. Les victimes enregistrées ont rarement moins de 20 ans ou plus de 60 ans (respectivement 6% et 4% des victimes). Toutefois, les victimes de violences sexuelles sont plus jeunes : la moitié a moins de 30 ans, contre 35% des victimes de violences physiques et 30% des victimes de violences verbales ou psychologiques”, établit l’étude. La part de victimes étrangères est de 15%, soit une part deux fois plus élevée que la part d’étrangers vivant en France.
Des taux plus élevés que la moyenne en Outre-mer
En 2023, les services de sécurité ont enregistré 4 victimes sur 1.000 habitants, ou 10,6 femmes victimes sur 1.000. Le taux de femmes victimes de violences varie selon le degré d’urbanisation (7,5‰ dans les communes rurales et 13,4‰ dans les unités urbaines de 50.000 à 100.000 habitants). Si le taux de victimes de 14 à 64 ans le plus élevé concerne le Nord-Pas-de-Calais, la Réunion (14,6‰) et la Guyane (13,1‰), présentent des taux supérieurs à la moyenne. Les territoires ultramarins sont davantage concernés par ces violences, parmi les personnes âgées de 18 ans ou plus vivant en Guadeloupe et en Martinique, 9 sur 1.000 ont déclaré avoir été victimes en 2022 de violences physiques, sexuelles, psychologiques ou verbales de la part d’un conjoint ou d’un ex-conjoint.
Malgré une sensibilisation croissante de la société, seule une victime de violence conjugale sur sept a déclaré cette atteinte aux services de sécurité, d’après l’enquête Vécu et Ressenti en matière de sécurité de 2022. “Les femmes sont 2 fois plus souvent victimes de violences conjugales physiques que les hommes (respectivement 3‰ contre 1‰). Elles sont aussi trois fois plus victimes de violences psychologiques (9‰ contre 3‰) et constituent la quasi-totalité des victimes de violences sexuelles, surtout physiques. Tous types de violences conjugales confondus, seulement 14% des victimes ont déclaré l’atteinte subie à la police ou à la gendarmerie. Pour les seules femmes, cette part est globalement du même ordre de grandeur (16%) mais elle est plus élevée lorsqu’il s’agit de violences physiques (26%)”, observe le document.
En 2023, 217.000 personnes ont été mises en cause pour violences conjugales dont 68% pour des violences physiques, 4% pour des violences sexuelles et 28% pour un autre type de violences conjugales. 86% de ces mis en cause sont des hommes et 83% sont de nationalité française. “Si l’on compare la structure par âge des victimes pour violences conjugales enregistrées en 2023 et celle des mis en cause pour violences conjugales élucidées en 2023, il s’avère que les seconds sont un peu plus âgés en moyenne que les premières : seulement 13% ont moins de 25 ans et environ la moitié a entre 30 et 45 ans”, précise l’étude.
Si le chemin vers l’éradication de violences conjugales est encore long, la sensibilisation de la société à ce phénomène est de plus en plus forte. Les évolutions législatives et les mesures adoptées à l’issue du Grenelle des violences conjugales en 2019 ouvrent la voie à certaines avancées. Par exemple, le champ des atteintes a été élargi. “Comme cela a été en particulier le cas en 2020 pour les appels téléphoniques ou messages malveillants, pour les usurpations d’identité et pour les atteintes à la vie privée. Parallèlement à cet élargissement du champ infractionnel, le repérage des violences conjugales s’est amélioré dans les systèmes d’information. La structure des violences conjugales par grandes catégories d’infractions reste stable depuis 2016. Dans la grande majorité des cas, il s’agit de violences physiques (64% des victimes), le plus souvent sans incapacité totale de travail (ITT) (41% des victimes). Les violences avec une ITT ne dépassant pas 8 jours, ou aggravées par une autre circonstance, en plus du caractère conjugal, sont près de deux fois moins nombreuses (21% des victimes). Les violences physiques criminelles (homicides, tortures ou actes de barbarie) restent très rares (moins de 1%) ; 115 homicides conjugaux commis en France ont été enregistrés dans les bases statistiques en 20231, auxquels s’ajoutent 437 tentatives d’homicides conjugaux. 32% des victimes de violences conjugales ont subi des violences verbales ou psychologiques : harcèlement moral (17%), menaces (12%), atteintes à la vie privée (1%) ou injures et diffamations (1%). Pour 2 % des victimes de harcèlement moral, les faits ont mené au suicide ou à une tentative de suicide. Les violences conjugales enregistrées sont beaucoup plus rarement des violences sexuelles (4% des victimes) ; dans 82% des cas, il s’agit alors de viols ou de tentatives de viol”, lit-on.
Par ailleurs, la libération de la parole, semble avoir eu un effet sur les faits anciens. “La sensibilisation de plus en plus forte de la société au phénomène des violences conjugales et les mesures adoptées à l’issue du Grenelle des violences conjugales pour encourager les victimes à porter plainte semble avoir profité davantage aux faits anciens qu’aux faits les plus récents : la part des victimes ayant porté plainte pour des faits antérieurs à leur année d’enregistrement est passée de 19 % en 2016 à 29 % en 2022”, indique l’étude du service statistique ministériel de la sécurité intérieure .