Le Conseil exécutif de Martinique présidé par Serge Letchimy proposera à l’Assemblée de Martinique pour délibération, les 3 et 4 octobre prochains, un dispositif exceptionnel de suppression des taux d’octroi de mer et d’octroi de mer régional sur 54 familles de produits afin de lutter contre la vie chère.
Depuis le 1er septembre, la mobilisation contre la vie chère initiée par le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéennes (RPPRAC) se poursuit en Martinique. Pour dénoncer l’écart des prix de 40 % des denrées alimentaires avec ceux de l’hexagone, et réclamer un alignement des prix avec ceux pratiqués sur le continent, les manifestants ont bloqué à plusieurs reprises les grandes surfaces et le port de Fort-de-France. En marge de ces rassemblements pacifiques, des débordements nocturnes de violence ont régulièrement nécessité l’intervention des forces de l’ordre dans les quartiers populaires du chef-lieu de la Martinique, et notamment à Sainte-Thérèse.
En parallèle, les responsables politiques tentent d’apporter des solutions pour éviter que le mouvement social ne dégénère. Acteurs économiques, politiques et associatifs ont répondu à l’invitation du préfet de Martinique lors d’une première table ronde sur la vie chère le 5 septembre dernier. Comme le rapporte Libération, le RPPRAC a claqué la porte des négociations dès le début de la réunion après que Jean-Pierre Bouvier, le préfet de l’île, a refusé que les échanges ne soient filmés.
« Dans ce cadre, 11 propositions ont été présentées et discutées. Les participants à cette réunion se sont engagés à aboutir collectivement à une baisse durable des prix de 20 % en moyenne, de 2.500 produits de grande consommation, en s’appuyant, notamment sur une meilleure répartition des frais d’approche. De nouvelles rencontres sont d’ores et déjà prévues à court terme pour approfondir la mise en œuvre de ces axes de travail avec pour objectif une baisse significative des prix de l’alimentation en faveur de la population martiniquaise » a annoncé la préfecture dans la foulée. Une deuxième table ronde s’est déroulée le 12 septembre. Le préfet a également annoncé l’arrivée d’experts fiscalistes et financiers, à travers une « mission flash », lundi 16 septembre pour aider à « valider les dispositifs, aller jusqu’au bout du possible pour proposer quelque chose de solide au ministre qui va prendre ses fonctions la semaine prochaine ».
De son côté, la Collectivité territoriale de Martinique a communiqué sur les réseaux sociaux pour rappeler les enjeux liés à l’octroi de mer, « seul dispositif fiscal autonome des collectivités de Martinique (communes et CTM) pour financer le développement local. Puis, le 11 septembre, le Conseil Exécutif s’est prononcé en faveur de la mise en place d’un dispositif exceptionnel de suppression des taux d’octroi de mer et d’octroi de mer régional sur 54 familles de produits, correspondant dans les magasins à plusieurs centaines d’articles de première nécessité et de grande consommation (pâtes alimentaires, pommes de terre, ail, dentifrice, condiments, conserves alimentaires, serviettes hygiéniques et couches pour bébé).
« Le Président du Conseil Exécutif, Serge LETCHIMY, proposera ce dispositif à l’Assemblée de Martinique pour délibération, dans le cadre de la plénière prévue les 3 et 4 octobre 2024. Une fois adoptée, cette mesure sera appliquée, dans un premier temps, à titre expérimental sur une période de 36 mois et représente un effort fiscal de plus de 5,9 millions d’euros par an pour les collectivités (communes et CTM) » a expliqué la CTM dans un communiqué daté du même jour.
Et d’ajouter que cette exonération d’octroi de mer était conditionnée à l’engagement de l’ensemble des acteurs concernés – État, grossistes, distributeurs, transporteurs – à mettre en œuvre,dans un délai d’un mois avant le 3 octobre 2024, des mesures et actions concrètes et perceptibles par la population. Il s’agit ainsi pour l’État, d’une part de suspendre la TVA sur les produits de première nécessité et de consommation courante, d’autre part d’appliquer les articles 410-2, 410-3 et 410-4 du Code du Commerce afin de bloquer les prix à la consommation par décret en Conseil d’Etat et réduire et encadrer les marges des importateurs, grossistes et distributeurs. Mais aussi d’augmenter le POSEI consacré à la diversification alimentaire locale et la mise en place d’outils destinés à aider le développement et la structuration des filières de diversification pour réduire notre dépendance aux importations. Et enfin d’augmenter l’aide au fret, dans une logique de continuité territoriale, destinée à compenser le surcoût du transport sur l’importation de matières premières et des biens d’équipement rentrant dans le processus de fabrication des productions locales.
Par ailleurs, la CTM attend aussi des transporteurs qu’ils appliquent un tarif ad valorem sur les conteneurs de produits alimentaires, d’hygiène et de consommation courante pour en diminuer les coûts d’acheminement. Il s’agit de prendre en compte la valeur des produits transportés plutôt que le volume.
Quant aux importateurs, grossistes et distributeurs, la CTM leur demande de réduire leurs marges commerciales et de répercutersur les prix à la consommation, les aides européennes, nationales et territoriales accordées aux producteurs locaux.
« En 2009, les collectivités locales avaient déjà consenti à une diminution des taux d’octroi de mer sur 218 produits. Ces baisses n’ont jamais été répercutées sur les prix à la consommation, faute de contrôle suffisant de l’État » a dénoncé la CTM. Ainsi, pour s’assurer que ces actions bénéficient directement à la population martiniquaise, elle a annoncé sa volonté de mettre en place une mission dédiée à la surveillance des prix des produits concernés et des marges.
« Dans le cadre des mesures annoncées, la Collectivité Territoriale accorde une importance particulière à la préservation des ressources fiscales des communes de Martinique et engage de manière concomitante des travaux sur la mise en œuvre de mesures de péréquation visant à garantir le manque à gagner de recettes fiscales généré par cette modification des taux d’octroi de mer. Si l’application de l’exonération de l’octroi de mer sur les produits de première nécessité peut constituer un des leviers dans la lutte contre la vie chère, elle est également une arme à double tranchant qui n’est pas sans conséquences pour les finances publiques locales. Cette taxe est la seule recette fiscale autonome des collectivités de Martinique, notamment utilisée pour compenser la réduction des dotations de l’État et le non reversement de certaines compensations financières relatives aux aides sociales (RSA, AAH, APA, etc.) » concluait la CTM.