Au lendemain de l’annonce par Emmanuel Macron de la dissolution de l’Assemblée nationale et donc de la tenue d’élections législatives, et en réaction aux résultats des élections européennes qui ont vu progresser le Rassemblement national en Martinique, Serge Letchimy a lancé, le 10 juin dernier, dans une lettre ouverte, un appel à rejeter l’extrême droite.
Si la France Insoumise – Union Populaire a remporté le scrutin des élections européennes en Martinique, le Rassemblement national a, comme sur l’ensemble du territoire national, progressé pour finalement se hisser à la seconde place.
A l’approche des élections législatives qui se tiendront les 30 juin et 7 juillet prochains suite à l’annonce, le 9 juin dernier, par Emmanuel Macron, de la dissolution de l’Assemblée nationale, Serge Letchimy, président du conseil exécutif de la Martinique a lancé un appel le 10 juin. « Le cœur brûlé, la bouche amère » face aux résultats des élections européennes, il appelle ses compatriotes à rejeter l’extrême droite.
« Après ces élections au Parlement européen, il est impératif de réfléchir à ce passé irrécusable et à notre avenir. Nous devons comprendre l’aberration que représente pour nous le fait de soutenir, de manière active ou passive, l’extrême-droite. C’est une idéologie qui, par essence, nie tout ce que l’humanité peut avoir comme principes, comme rectitude, comme décence. Elle menace tous les fondements de l’État de droit, des protections républicaines et des fécondités de la Démocratie. Elle s’inscrit dans la filiation de ceux qui, de tous temps, nous ont insulté et porté atteinte à notre existence même. L’extrême-droite, dans sa rhétorique et ses actions, prône la division, l’exclusion et la haine. Elle se nourrit des flammes du racisme, du mépris de l’Autre, de la xénophobie, celles-là mêmes qui ont tenté de nous réduire au silence, à la servitude et, aujourd’hui, à la déresponsabilisation. Elle promet un retour à un ordre injuste, oppressif, où notre place serait encore une fois reléguée à la marge, ou pire : assignée à la cale du vaisseau planétaire » souligne Serge Letchimy.
En introduction, il rappelle l’histoire des « gens des Antilles – descendants de peuples amérindiens génocidés, fils d’africains déportés dans les enfers esclavagistes, fils aussi de ces hommes, de ces femmes, arrachés à l’Inde, à la Chine, à la Palestine, à la Syrie ou au Liban, dans des conditions barbares » qui ont traversé « des siècles de souffrance, de luttes incessantes mais aussi d’héroïsmes entêtés et de résiliences marronnes ». « Notre histoire est marquée par des effondrements entiers de cultures et de civilisations, mais aussi par des renaissances inattendues et des surgissements enthousiasmants. Nous avons connu cet omni- niant crachat dont a parlé Césaire. Nous avons enduré les chaînes du corps et de l’esprit, les brutalités de la colonisation, les blessures abjectes du racisme, les affres que subissent encore les minorités humiliées dans tous les bords du monde. Chacune de nos générations a dû surmonter des obstacles terrifiants pour conserver, intacts, des trésors de dignité, d’humilité sereine et d’orgueilleuse humanité. Elles ont gravé quelques-unes des plus belles pages de l’expérience humaine ». Puis affirme fermement : « la haine ne saurait donc passer par nous ».
Le président du conseil exécutif de la Martinique poursuit ce rappel de l’histoire des peuples antillais pour asseoir son argumentation : « nous devons nous rappeler que nos ancêtres ont combattu sans mollir pour la liberté, pour l’affirmation de leurs droits, pour leur simple possibilité de respirer. Ils ont refusé de céder à la peur, aux aliénations. Ils ont opposé un surcroît d’humanité à l’inhumanité totale qu’ils affrontaient. Ils nous ont ainsi conservé un accès privilégié à l’espérance la plus haute, à l’exigence la plus ardente, au souci de se tenir auprès de ce que l’humaine condition a de meilleur. Voter pour l’extrême-droite est une trahison de ce formidable héritage ».
« Nous devons rester véyatifs, exigeants, intraitables, face à ceux qui tentent de manipuler nos frustrations à des fins inavouables » considère-t-il. Puis il appelle les Martiniquaises et les Martiniquais à élever ensemble leurs voix « contre l’intolérance, la haine, la division et l’injustice ». « Soutenons des politiques qui favorisent l’égalité, le mutualisme, le social, la solidarité, le respect des peuples, le respect de la dignité humaine dans le respect absolu du vivant. C’est ainsi que nous honorerons la mémoire de nos ancêtres, que nous nous respecterons nous-mêmes et que nous construirons de belles saisons communes pour nos enfants » encourage-t-il.
Et d’insister : « mes chers compatriotes, ne laissez pas la rancœur, l’amertume et la régression morale s’immiscer dans nos cœurs. Ne permettons pas que l’histoire des conquérants, des méprisants et des dominateurs, se poursuive. Restons fidèles à ces catégories de justice, d’émancipation et de fraternité qui invalident tout ce qu’ils sont. Rejetons l’extrême-droite. Œuvrons ensemble pour une société où chacun pourra vivre, s’épanouir, partager, s’accomplir dans la créativité, le souci de l’Autre et le respect de lui-même ».